Dizzy Origins (titre à travailler ! ._.)

Il y a des incarnations qui se passent bien, d’autres moins……

La mienne s’est plutôt bien passée, malgré le Maître Yakasi qui est plutôt… impressionnant. J’ai adoré Incarnam !
Oh Douce Incarnam ! Tes paysages verdoyants et tes nuages moutonneux ! Tes fontaines fraiches et apaisantes ! Et tes habitants ! Ils sont si gentils que c’est un réel plaisir de leur rendre de menus services. Enfin, menus…. Ils me paraissent menus maintenant, mais lorsqu’on est Fraîchement Incarnés, il faut prendre son courage à deux mains, et encaisser les coups de cornes des jeunes bouftons et les coups de bec de pioussins ! Mais c’est à ce prix qu’on apprend à ne plus se couper avec ses dagues et ne plus se bruler en lançant le feu ! De plus, les remerciements des habitants sont si gratifiants !

Pourtant, je me suis toujours posée une question sur les habitants d’Incarnam : pourquoi cette lueur de malice dans leurs yeux ? Ont-ils vraiment besoin de nous ? N’est-ce pas plutôt nous qui avons besoin de leur aide ? Ils ont simplement la finesse, la sagesse de cacher leur aide pour ménager la susceptibilité de jeunes aventuriers fiers, arrogants et….. ignorants !

Le jour arriva où…… plus rien n’arrivait ! J’avais beau m’adresser à tous les habitants, je ne pouvais être utile à personne. Chacun me conseillait, me poussait même, à me rendre sur le continent, comme tous ces aventuriers parfois bien plus jeunes que moi, qui sautaient dans le ballon de Maître Anémo, impatients de se frotter aux périls du Continent, les yeux brillants des promesses de trésors, chacun certain d’être celui qui trouvera les Six Dofus ! Je ne partageais pas cet engouement, allez savoir pourquoi ! Je n’avais pas envie de quitter la Douce Incarnam ! Et ce manque d’élan par rapport aux autres aventuriers m’amena à me poser beaucoup de questions.

Un soir, alors que je sirotais une limonade à la taverne de Grobid, les yeux perdus dans les flammes de la cheminée et ruminant de sombres pensées, Struk’toer Nhin me tapota l’épaule :
- Et bien jeune fille ! Tu me sembles avoir autant d’entrain qu’une vieille Enutrof usée par la vie ! Et aussi triste qu’un Ecaflip qui aurait perdu sa patte de lapin ! Tu as cassé ta montre ?
Je secouai négativement la tête. Il se gratta la barbe :
- J’ai trouvé : tu es tombée amoureuse d’un beau et jeune Iop, mais tu as réalisé que tout ce qu’il a de brillant, c’est son épée, et tout ce qu’il a de profond, c’est son fourreau !
Je secouai à nouveau la tête, un triste sourire sur les lèvres.
- Attends, laisse-moi réfléchir, reprit-il. Vous autres aventuriers, vous vous ressemblez tellement que je vais bien finir par trouver….
- Justement Struk’toer, c’est bien là le problème ! Je n’ai pas l’impression d’être comme eux, et je me pose des questions !
- Aie, aie, aie ! AIE AIE AIE ! s’exclama-t-il. Une jeune aventurière qui se pose des questions ! Pire, qui REFLECHIT ! Alors ça, c’est pas courant ! T’es bizarre toi !!!
Je replongeai la tête dans ma bolée de limonade, laissant mes cheveux retomber sur mon visage afin de cacher mes yeux embués de larmes. Mes doutes étaient confirmés : j’étais BIZARRE. Et que ces doutes me soient confirmés aussi brutalement par Struk’toer me fit encore plus mal. Il était mon ami de toujours, celui auprès duquel je savais pouvoir me confier.
Avec une infinie douceur, Struk’toer me prit par le menton et me releva la tête.
- Excuse-moi petite, souffla-t-il, le visage empreint d’un sérieux que je ne lui connaissais pas. Différente, voilà ce que je voulais dire. Tu es différente. J’en ai déjà vu quelques-uns, des aventuriers différents, ils font en général de grandes choses ! Ne reste pas seule avec tes doutes et tes questions. Va voir Yakasi, il t’aidera.
- Maître Yakasi ? Tu es sûr ?
Même après des mois passés sur Incarnam, cette forte personnalité m’avait toujours effrayé, et j’avais toujours essayé de l’éviter.
- Oui, Maître Yakasi. Je sais qu’avec ses grandes ailes et son grand bec, il est impressionnant. Tu veux un truc ? Dis-toi juste que c’est un gros pioussin !! Un très gros pioussin ayant abusé des graines de sésame ! Haaaa, enfin un sourire ! Yakasi est un des plus grands sages du Monde des Douze, peut-être le plus grand. Ouvre-toi à lui, il saura te guider.
Il se redressa, reprit son visage jovial, à la bonne humeur si communicative :
- Bon gamine, tu me l’offres cette bière ? J’ai la gorge sèche et je ne peux pas te raconter les dernières gaffes des Fraichement Incarnés !!!
Nous passâmes la soirée à boire, à rire et à boire encore…. !

Le lendemain matin, j’avais le crâne douloureux comme si l’Obvijevan que je rêvais d’avoir avait décidé de me réduire le cerveau en bouillie ! A quel moment ma limonade s’était-elle transformée en bière ? Je ne m’en souvenais plus ! Par contre, je me souvenais que j’étais lamentablement écroulée sur la table, la tête dans les bras, et que la voix pas du tout enivrée de Struk’toer m’a soufflé à l’oreille :
- N’oublie pas d’aller voir Maître Yakasi, lui seul peut te guider.
Je ne pris pas le temps d’y réfléchir plus, craignant de céder à la peur que Maître Yakasi m’inspirait. Je fis une toilette rapide, mangeais un bout et me mis en route.

Arrivée devant les portes du Temple, une boule d’angoisse se forma au creux de mon estomac. Struk’toer Nhin était là, comme toujours, entouré de Fraichement Incarnés ! Nos regards se croisèrent, et je fis un pas vers lui, mais il se détourna et continua sa discussion animée avec une jeune Crâ. Un peu déçue, je me replaçais devant les grandes portes. Je pris une profonde inspiration, et poussai la porte, coulant un dernier regard vers Struk’toer. Ai-je rêvé ou bien me regardait-il avec cette fameuse lueur de malice ? Et autre chose aussi. De la fierté peut-être ? Rassérénée, j’entrai d’un pas plus sûr, et me dirigeai vers Maître Yakasi.

Il était là, comme toujours. Grand, beau, majestueux et…. Effrayant !
- Approche Milia-Rage. Que me veux-tu ?
Oh, que les Mérydes me viennent en aide ! Cette voix grave et puissante me pétrifiait !
- Tu veux un truc ? (la voix de Struk’toer dans ma tête) Dis-toi que c’est juste un gros pioussin !
Je baissai rapidement la tête pour cacher le sourire que cette pensée avait fait naître sur mes lèvres, et je m’approchais.
- Incarnam est un lieu d’apprentissage et de joie. Tu as fini ton apprentissage, Milia-Rage, et depuis quelques jours, je sens qu’une âme est tourmentée ici. Est-ce toi ? Est-ce la raison de ta venue ?
Les yeux toujours au sol, j’hochais timidement la tête.
- Qu’est-ce qui te tourmente ainsi, jeune Xélor ?
- Je me sens si différente, et je ne sais pas pourquoi, répondis-je d’une toute petite voix.
- Relève la tête Milia-Rage. Un aventurier doit avancer la tête haute ! me dit-il d’une voix sèche. Relève la tête et regarde-moi !
Pour la première fois de ma vie, je le regardai droit dans les yeux. Quels yeux Magnifiques ! On y lisait la sagesse acquise lors d’un millier de vie au moins ! Et cette bonté ! Cette immense bonté ! Je me sentis soudain si stupide de l’avoir autant craint. Quelqu’un ayant un tel regard ne peut qu’être un ami, un guide, un mentor ! Et ces petites étoiles dans ses yeux ? Est-ce cela lorsqu’on regarde à l’intérieur d’un Dofus ? Un sourire amusé apparut sur son visage :
- Pour le savoir Milia, il faut trouver un Dofus, et pour trouver un Dofus, il faut aller sur le Continent !
Par la barbe de Struk’toer, il lisait dans mes pensées ! Je m’empourprai !
- Tu te sens différente Milia-Rage ? Différente de quoi ? De qui ? Chacun est différent. Le but d’une vie est de s’accomplir, de devenir celui ou celle que l’on doit être. Alors Milia-Rage, si tu es différente, c’est en cela : tu as déjà cette intuition que le bonheur ne se trouve ni dans la richesse, ni dans la gloire, mais dans l’accomplissement de soi. Va, Incarnam ne peut plus rien t’apporter. Je ne te dis pas de partir confiante, car ce sont les doutes et les questions qui te font avancer, mais pars avec espoir. Pars avec la certitude que chaque rencontre, chaque aventure t’apportera quelque chose. Matériellement ET spirituellement. Chaque joie, chaque tristesse, chaque bonheur, chaque souffrance sera un pas de plus vers ton accomplissement. Tu es née Xélor, Milia-Rage, tu as en toi cette maîtrise du Temps qui fait que tu n’es pas impatiente comme les autres jeunes aventuriers, et que dès ton Incarnation, tu as su prendre le temps de réfléchir, de méditer. Tu quittes Incarnam avec bien plus d’expérience et de sagesse que la plupart des aventuriers.
Il étendit ses immenses ailes et m’enveloppa de ses plumes à la douceur irréelle.
- Pars aujourd’hui Milia-Rage, et emporte avec toi ma bénédiction.

Sans voix, je m’inclinais profondément devant lui, et fis demi-tour. Comme dans un rêve, je traversai le Temple, à peine consciente des regards qui se posaient sur moi, ni des murmures qui s’élevaient sur mon passage.
Lorsque je sortis, je me tins quelques secondes debout sur le perron, le visage offert aux doux rayons du soleil. Quel silence ! Quel silence apaisant après toutes ces émotions !
Soudain je réalisai ! Le silence ? Ici ? Sur ce perron grouillant de Fraichement Incarnés ? Lentement, j’entrouvris les paupières. Je vis alors des dizaines de paires d’yeux qui me dévisageaient ! Je ne sus plus quelle contenance adopter ! Je vis alors Struk’toer se faufiler entre les Fraichement Incarnés et se diriger vers moi. Il me prit par le bras et m’emmena.
Nous marchâmes sans un mot. Il me tenait toujours par le bras mais j’en avais à peine conscience, toute entière perdue dans le souvenir de cette rencontre et de ce contact avec Maître Yakasi.
- Assieds-toi, me dit-il.
Nous étions arrivés au bord des canaux, et je m’assis.
- Il t’a béni n’est-ce pas ?
- Comment le sais-tu ?
- Cela se voit, souffla-t-il dans un sourire. Regarde-toi Milia.
Je me penchai au-dessus de l’eau, et je poussai un cri de surprise : mes cheveux et mes yeux scintillaient !
- Que m’a-t-il fait ? criai-je. Je me sentais différente, mais maintenant je suis différente, il m’a rendu PHYSIQUEMENT différente !
Je fondis en larmes. Struk’toer me serra contre lui.
- Chuuuut petite Xélor, chut. Yakasi, dans sa grande sagesse, ne ferait rien qui puisse te nuire. Tout à l’heure, sur le perron du Temple, tu irradiais, maintenant tu scintilles seulement.
- Seulement ? SEULEMENT ? Tu plaisantes ou quoi ? Tu trouves ça discret ?
- Non, bien sûr que non ! Mais je dois avouer que je te trouve magnifique, alors laisse-moi te regarder, en profiter. Ca fait bien 200 ans que je n’ai pas vu ça, et cet effet ne va pas durer. Voilà ce que je voulais te faire comprendre. Dans quelques heures, tes cheveux ne brilleront plus.
Je poussai un grand soupir de soulagement.
- Mais…. (je me raidis) mais je ne veux pas te mentir. Tu garderas quelque chose de différent. Tu ne peux pas porter la bénédiction de Yakasi sans que cela ne se voit. Quelque chose dans le regard sera différent.
Je me repenchai sur l’eau et regardai attentivement mes yeux : des étoiles ! Les mêmes que les Siennes, dans Ses yeux à Lui ! Enfin non, pas tout à fait les mêmes. Moins brillantes, moins nombreuses, mais quand même ! Je me tournai vers Struk’toer :
- Pourquoi la bénédiction d’un sage laisse-t-elle de telles marques ?
Struk’toer ne répondit pas. Il me fixait. Non, il se plongeait, se perdait dans mon regard !

- Struk’toer ! Réponds-moi !
Il sursauta légèrement, puis me sourit avec douceur :
- Sommes-nous vraiment ce que nous semblons être ? Toi ? Moi ? Lui ? Sommes-nous vraiment ce que nous semblons être ?
Des rumeurs entendues à la taverne me revinrent en mémoire : Maître Yakasi ne serait peut-être pas un sage, mais un Dieu du Mondes des Douze ! Je n’avais jamais prêté attention à ce qui me semblait être de doux délires, mais après ce que je venais de vivre, pourquoi pas ? Mais alors, cela pouvait signifier aussi que Struk’toer, avec qui je m’étais saoulée hier, pouvait être un Méryde ! Un vertige me prit, et je décidai de remettre ces questions à plus tard !
Soudain, les paroles de Maître Yakasi me revinrent :
- Il veut que je quitte Incarnam aujourd’hui !
- Ne panique pas ! Calme-toi ! Suis ses conseils, tout simplement.
Je me jetai dans ses bras, cet ami fidèle sur qui j’avais toujours pu m’appuyer. Il me serra fort contre lui, puis il ria :
- Hey ma belle. Ce ne sont pas des adieux. Le voyage vers le Continent n’est pas à sens unique et tu pourras revenir quand tu veux !
- C’est vrai ? Alors pourquoi n’ai-je pas revu les aventuriers que j’ai croisés ici ?
- Parce que ce n’est pas leur choix. Ils sont pris de la frénésie du Continent ! Il y a tant à faire là-bas qu’ils finissent par nous oublier.
- Mais c’est stupide ! Pour savoir où l’on va, il faut se souvenir de là où l’on vient !
- Voilà pourquoi Yakasi t’a béni ! me dit-il en me regardant avec fierté. Si jeune, tu portes déjà en toi une grande partie de la sagesse Xélor. Ne change pas Milia ! Accomplis-toi, mais ne change pas.
Je me jetai à nouveau dans ses bras, soufflant au creux de son oreille :
- Je ne sais pas qui tu es vraiment, Struk’toer, mais tu parles comme Lui !
Il rit, et je ris aussi, relâchant enfin toute la tension de cette journée.